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3ème Dimanche de l’Avent
« Le Seigneur ton Dieu est en toi, c’est lui le héros qui apporte le salut. »
Frères et Sœurs,
Quelle belle image donnée par cette page de Évangile de Saint Luc sur la société juive au temps de Jésus ! Il est vrai que dans le judaïsme, politique et religion sont intimement liés. Il est beau de voir toute la société israélite de l’époque attendre le Messie : du peuple, en passant par les services financiers et l’armée ! C’est toute une société, tous ses dirigeants, qui se demandent comment faire pour se préparer à l’accueil du Messie. On pourrait rêver la même chose dans nos sociétés occidentales…
Pour bien comprendre l’origine de cette question, il faut bien se remettre en tête la différence qu’il y a entre le baptême pratiqué par Jean Baptiste et celui de Jésus, annoncé précisément par Jean Baptiste. L’un est un rite, l’autre sera un sacrement. Le premier est appelé baptême d’eau, le deuxième baptême dans le feu et l’Esprit-Saint. Le premier est celui qui montre notre désir de conversion, le deuxième celui qui rend effective notre conversion. Mais le fait d’aller se faire immerger dans les eaux du Jourdain, qui rappelle la traversée de la Mer Rouge, pour montrer notre désir de changer notre vie et de renaître en homme nouveau n'est pas suffisant. Tous ceux qui viennent de recevoir ce baptême de purification sentent qu’ils sont appelés à transformer leur vie, c’est-à-dire à passer du désir de conversion à la conversion effective, à la mettre en acte. Jean Baptiste ne les appelle pas à faire des choses nouvelles, mais à vivre de manière juste et droite, selon les préceptes de la religion juive. Ainsi sont-ils appelés à pratiquer la charité envers les pauvres, à être justes dans l’exercice de leur profession, dans leur état de vie, à rechercher le bien, et à servir la vérité en toute chose. Tout ce que nous-aussi, comme chrétiens, nous sommes appelés à mettre en œuvre dans notre vie. Ne pas rechercher de grands exploits, de grands succès, mais vivre de manière droite, juste, conforme à la Vérité et dans la Charité. C’est le meilleur témoignage à rendre à Dieu et au monde.
Il ne vous aura pas échappé que cette messe, aussi bien dans la couleur liturgique que dans la tonalité des textes entendus, nous ouvre à la joie la joie profonde qui est que la naissance du Fils de Dieu approche, mais qui est surtout que le Seigneur vient à nous et, comme le dit Sophonie dans la première lecture, qu’Il est déjà en nous. Je voudrais réfléchir principalement sur cet aspect qui est la cause profonde et première de la joie chrétienne, avant même que Jésus ne ressuscite et qu’Il ne triomphe du mal et de la mort. Même avant la victoire de Dieu sur le Mal, le fait que le Seigneur vienne en nous et soit en nous est déjà une joie immense pour tous ceux qui comprennent et qui s’ouvrent à la richesse de cette présence.
Il s’agit certainement de la première conversion que nous avons à vivre : ne pas penser Dieu comme une réalité extérieure à nous, mais comme une réalité intérieure. Il est fréquent d’entendre des personnes faire le constat que leur vie n’est ni correctement orientée ni équilibrée et de dire qu’elles vont se tourner davantage vers Dieu, prendre davantage le temps de prier, comme si Dieu était un élément extérieur que l’on rajoutait dans sa vie pour l’améliorer, un petit peu comme on rajouterait un condiment dans un assaisonnement pour en changer le goût. Mais là se situe une première erreur : c’est que Dieu n’est pas extérieur à nous, mais intérieur à nous. Soyons clair : depuis la création de l’homme à l’image de Dieu, depuis le péché originel qui consiste à avoir mal utilisé sa liberté et à l’avoir retournée contre Dieu, il faut que l’homme choisisse d’être habité par Dieu pour que Dieu soit en lui. Cette habitation est donnée par le sacrement du baptême. Dès lors, l’homme n’est plus seulement à l’image de Dieu, mais la Trinité, Père, Fils et Saint Esprit habite en lui. La conversion ne consiste pas à mettre davantage Dieu dans sa vie mais plutôt à Le laisser davantage vivre en nous. Et c’est la bonne nouvelle que nous révèle le prophète Sophonie : Dieu est en nous, Il est déjà là et Il vit en nous. Du reste, Dieu est présent à nous de manière intérieure. C’est ce que nous voyons dans l’Incarnation. Dieu choisit de venir dans notre monde, dans notre temps, dans notre société, dans notre nature humaine. Dieu ne vient pas à nous seulement dans sa divinité au travers de laquelle Il resterait extérieur à nous, mais Il assume notre humanité. L’Incarnation nous montre que Dieu vient en l’homme de manière intérieure, pour pouvoir être comme lui. De la même manière, Dieu vient dans nos cœurs, par la prière, par sa parole que nous écoutons, que nous méditons, que nous prions, et par la sainte communion. Dans les sacrements, Dieu agit de l’intérieur de l’homme, non pas comme un principe extérieur mais comme un principe intérieur.
Je voudrais m’arrêter sur la parole de Jean Baptiste qui caractérise le baptême que donnera Jésus. Jean Baptiste dit : « Lui vous baptisera dans l’Esprit-Saint et le feu. » Dans l’Esprit-Saint, parce que le baptême de Jésus donnera l’Esprit de Dieu. Dans le feu, qu’est-ce que cela veut dire ? Le feu dont il est question est ici le feu de l’Amour, qui consume intérieurement ceux qui sont habités par l’amour et qui détruit ceux qui ne sont pas habités par l’Amour, ce qui est de l’ordre du péché. La deuxième bonne nouvelle contenue dans cet Évangile est que la présence de Dieu en nous est une présence aimante et transformante. Par nature, l’amour est déjà une réalité intérieure qui permet de rejoindre l’autre dans son intériorité. C’est ainsi que Dieu, Amour parfait, peut-être en chacun de nous et vivre en chacun de nous. Ce que la présence de Dieu en nous permet, c’est un amour plus profond et de Lui et des autres (pas seulement dans les couples, mais dans toute relation), mais pour ceux qui ont le cœur ouvert à cette profondeur divine. À nouveau Frères et sœurs, permettez-moi de mettre en avant l’Adoration du Saint-Sacrement qui permet cette croissance dans l’Amour et de Dieu et des autres.
Tout ce que je dis là pourrait être simplement de la théorie, sauf pour ceux qui le vivent et qui se rendent compte que cela est vrai, et déjà en actes dans leur cœur et dans leur vie. L’Église nous donne un exemple proche de chacun de nous, qui nous montre toute la beauté et toute la richesse non seulement de l’habitation de Dieu en nous mais de ce que la conscience de cette habitation permet en terme de fécondité. Il s’agit de la Vierge Marie, une des figures principales du temps de l’Avent. Je voudrais reprendre avec vous trois qualités fondamentales de la Sainte Vierge qui peuvent nous aider à vivre cette bonne nouvelle de la présence en nous de Dieu, présence qui sera renouvelée par la Nativité du Fils de Dieu.
Tout d’abord Marie est disponible à Dieu. Elle n’est pas dans un schéma d’accomplissement personnel de sa vie, avec des étapes claires qui seront à franchir et à vivre. Le projet de sa vie repose dans l’accomplissement du plan de Dieu pour elle. Marie est cette figure de celle qui veille, qui attend la présence et la manifestation de Dieu. Son cœur est disponible et c’est la raison pour laquelle l’Archange Gabriel viendra la visiter.
La deuxième qualité de la Vierge Marie est qu’elle accueille en elle le projet de Dieu, et bien même plus, le Fils de Dieu. Elle ne met pas de conditions à l’accueil de Dieu, elle ne met aucune réserve, elle n’est qu’un oui pur et toujours ouvert à Dieu. Bien sûr me répondrez-vous, elle peut accueillir totalement le Seigneur parce qu’elle a reçu la grâce de l’Immaculée Conception. Mais Marie nous montre jusqu’où va la grâce de l’Immaculée Conception : accueillir Dieu, non pas seulement spirituellement mais aussi corporellement. Combien de fois lorsque nous accueillons Dieu dans notre cœur, dans notre vie, mettons-nous des conditions, des réserves…
De cette disponibilité de Marie à Dieu, et de l’accueil de Dieu qu’elle fait de sa vie, Marie redonnera au monde le fruit de la fécondité de son accueil. Et tout au long de sa vie, Marie devra vivre une sorte de dépersonnalisation du don de Dieu, acceptant de passer d’une maternité biologique d’une femme qui met au monde son enfant, à une maternité ecclésiale donnant son enfant au monde. Son oui à Dieu est un oui pour les autres.
Que l’exemple de la Vierge Marie nous aide à ouvrir notre cœur pour laisser s’épanouir cette présence de Dieu en chacun de nous et pour lui offrir notre coopération pour que son œuvre de salut grandisse en nous et pour les autres. Amen !
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