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Homélie du 27ème Dimanche du temps ordinaire


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27ème Dimanche du temps ordinaire


« Tu combles ceux qui t’implorent, bien au-delà de leurs mérites et de leurs désirs. »


Frères et sœurs,


Ce dimanche, nous retrouvons le thème de la Vigne. Après les ouvriers de la dernière heure qui reçoivent le même salaire que ceux de la première heure, il y a deux semaines, après, dimanche dernier, les deux fils dont l’un va travailler à la vigne après avoir dit « non » et l’autre n’y va pas après avoir dit « oui », nous voici avec ceux qui s’approprient le fruit de la vigne et ne veulent pas rendre des comptes. Jésus nous donne la clé de la Parabole lorsqu’Il évoque l’ouverture de la Bonne Nouvelle et du Salut aux païens.


Cette parabole pointe une tentation qui existe chez toux ceux qui travaillent à l’œuvre de Dieu, qui consiste à s’approprier le fruit de la vigne à laquelle nous travaillons, à nous mettre à notre propre compte, en quelque sorte. La tentation a toujours existé de mettre la main sur Dieu. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les Juifs ne prononcent jamais le Nom de Dieu, puisque, chez les Juifs, donner un Nom signifie posséder, maîtriser une réalité. Ils nous redisent de la sorte qu’on ne met pas la main sur Dieu, qu’on ne Le maitrise pas. Je profite de cette remarque pour vous redire que, quelle que soit la manière dont vous communiez (que cela soit sur la langue ou dans les mains, on reçoit le Corps du Christ, on ne Le prend pas des mains du prêtre ou du ministre extraordinaire qui donne la Communion.) Combien de personnes se sont réclamées de Dieu pour une guerre, une bataille, une expédition, et parfois même pour tuer ! (Nous l’avons vu encore récemment avec le terrorisme islamique). La tentation de mettre la main sur Dieu, qui parcourt également tout l’Évangile où l’on cherche à mettre la main sur Jésus pour Le garder, s’étend alors à la tentation de mettre la main sur l’oeuvre de Dieu et d’en faire son œuvre. On refuse alors de rendre des comptes, de passer la main. Cette tentation existe bien réellement dans l’Église. Il ne s’agit pas dans mon propos de désigner telle ou telle personne, de mettre en cause tel ou tel groupe, mais de reconnaître que c’est un danger qui peut tous nous guetter et que nous devons être vigilants à demeurer chastes dans nos engagements. Je vais revenir sur ce point plus loin. Mais nous avons au travers de cette tentation une des causes, je dis bien une des causes, des abus et des phénomènes d’emprise sur les autres.


Pour autant, le danger qui consiste à s’approprier l’œuvre de Dieu, ne met pas en cause l’œuvre de Dieu elle-même. Dans l’Évangile, nous voyons que la vigne passera à une autre nation qui en fera porter les fruits. Ici, il faut bien se garder de mettre les tentatives d’appropriation de l’œuvre de Dieu, ou même les obstacles à l’œuvre de Dieu, au même niveau que l’œuvre de Dieu elle-même. L’œuvre de Dieu dépasse les obstacles ou les mains mises sur l’œuvre : l’œuvre de Dieu est plus grande que notre péché, nos refus, nos limites, nos trahisons. Bien plus, elle les intègre déjà. En effet, Dieu est en dehors du temps ; et même s’Il entre dans le temps, Il n’est pas soumis au temps. Les tentations de mettre la main sur l’œuvre de Dieu, les obstacles ou les refus à l’œuvre de Dieu, sont eux, dans le temps. Mais Dieu, de son éternité, les a déjà dépassés.

Je vais prendre deux exemples dans l’Écriture de ce que je vous dis là. Premièrement, regardons la trahison de Juda. On pourrait se dire qu’en trahissant Jésus, Juda met en échec l’œuvre de Jésus. Et pourtant, il n’en est rien, puisque pour que Jésus ressuscite, il faut qu’il meure, et pour qu’il meure, il faut qu’il soit trahi, et pour qu’il soit trahi, il faut un traître. Alors, ne nous trompons pas de lecture : il ne s’agit pas de dire que Dieu avait besoin du traître Juda pour que son œuvre s’accomplisse, mais il s’agit de dire que Dieu dépasse la trahison de Juda, qu’Il connaissait de toute éternité, par la Résurrection de Jésus.

Autre exemple tiré des Actes des Apôtres au chapitre 16. Paul et Timothée traversent la région phrygio-galatique et le Saint-Esprit les empêche de partir en Asie pour annoncer l’Évangile. On ne connaît pas la raison, mais donc blocage. Ils tentent alors d’aller en Bithynie, mais à nouveau blocage. C’est pareil, on ne connait pas la raison, mais St Luc nous dit : « mais l’Esprit de Jésus ne le leur permit pas. » Deux blocages. L’œuvre de Dieu est-elle mise en cause ou en danger ? Pas du tout ! Au travers d’un songe, Paul voit un Macédonien qui l’appelle à traverser la Mer et ils débarquent à Philippes. Le refus des uns est l’occasion de l’accueil par d’autres. L’œuvre de Dieu prend en compte les obstacles inhérents à la mission.

Ce que l’Écriture nous enseigne est applicable à chacune de nos vies. Combien est-il rassurant de savoir que malgré nos refus, nos réponses négatives, notre péché, nos limites, que l’œuvre de Dieu continuera en nous et chez les autres ! Les textes de ce jour nous redisent cette réalité. La collecte : « Tu combles ceux qui t’implorent bien au-delà de leurs mérites et de leurs désirs. » Dieu est au-delà de ce que nous attendons. La deuxième lecture : « Et la paix de Dieu qui dépasse tout ce qu’on peut concevoir, gardera vos coeurs et vos pensées dans le Christ Jésus. » Dieu est au-delà de tout ; et tout, même nos refus, nos « non » sont déjà dans sa main.


Ceci-dit, en raison du danger qui guette tous ceux qui travaillent à la vigne et, malgré la miséricorde et la Providence de Dieu, il faut travailler les vertus et qualités qui nous prémuniront de la tentation d’appropriation de l’œuvre de Dieu et de la tentation de faire notre volonté et non celle de Dieu. Une vertu efficace pour nous prémunir contre ce danger est la vertu de chasteté. Il faut demeurer chaste dans le travail à la Vigne. En premier lieu, en reprenant conscience que personne n’est à son compte, personne n’est propriétaire de sa mission ou de son service. Cette chasteté « pastorale » pourrait-on dire ne concerne pas que les prêtres ; elle concerne tous ceux qui travaillent à la Vigne du Seigneur, prêtres comme fidèles. On est devenu beaucoup plus sensible aujourd’hui dans l’Église aux phénomènes d’emprises, d’abus. Certes, c’est bien. Mais les phénomènes d’emprise se cachent parfois sous les meilleurs arguments. Quand par exemple on accompagne tel ou tel fidèle, qui a son propre chemin avec Dieu, et qu’on l’oriente dans telle ou telle voie parce que l’on pense qu’il est mieux pour lui d’assister à telle ou telle messe. Ou alors, quand on sélectionne les activités paroissiales ou ecclésiales auxquelles nous allons renvoyer telle personne ou tel groupe que nous accompagnons, en fonction de nos propres goûts ou sentiments, ou parfois règlements de compte. Ces attitudes ne sont pas chastes et ne respectent pas le cheminement des personnes. Elles révèlent l’expression d’une possessivité ou d’un pouvoir sur les gens. L’exemple même de la chasteté pastorale se trouve dans la figure de Jean-Baptiste qui dira : « Il faut qu’Il grandisse (en parlant de Jésus) et que moi je diminue. »

Cette chasteté pastorale s’exprime au plus haut point dans le célibat consacré qui rappelle aux ministres de Dieu, dans l’Église catholique romaine, qu’ils ne sont pas à leur compte et qu’ils sont donnés d’abord à Dieu, dans le célibat, pour être donnés ensuite aux autres. Le célibat, même consacré, n’est pas une réalité naturelle ; c’est une réalité surnaturelle. Elle redit à la personne qui le vit qu’elle a intimement besoin de Dieu pour vivre sa mission. Elle favorise un don total et radical de la personne à Dieu. Bien compris et bien vécu, le célibat consacré est au service de la chasteté pastorale par rapport à l’œuvre de Dieu, par rapport aux personnes, en même temps qu’il est un signe et une aide à la chasteté pour tous ceux qui travaillent à la vigne du Seigneur et qui sont tentés de se mettre à leur compte.


Frères et sœurs, rendons grâce au Seigneur pour son œuvre, toujours plus grande que nos pauvretés et nos limites et demandons la grâce que tous ceux qui travaillent à l’œuvre de Dieu, ministres, clercs, fidèles laïcs, grandissent dans une vraie chasteté qui préserve l’authenticité de l’œuvre de Dieu. Amen !

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